Jackie Morris, créatrice des "Blacklick Bears" - Décembre 99
Si nous correspondions déjà avec elle via le web, nous n'avions pas encore eu l'occasion de nous entretenir "en chair et en ours". C'est maintenant chose faite, et voici son interview exclusive !
Quand et comment avez vous commencé à fabriquer des ours ?
" J'ai commencé à fabriquer des ours il y a environ 13 ans. Nous venions juste de déménager de Phoenix (Arizona) pour Colombus, dans l'Ohio, de par le travail de mon mari. Ayant du abandonner la formation que je suivais, ainsi que tous mes amis, j'étais un peu perdue. J'ai toujours été une couturière passionnée, et à ce moment il me semblait donc naturel de recommencer à créer des choses de mes mains. Au début, je faisais toute sorte de choses que je vendais sur des salons de loisirs, et c'est par hasard que je rencontrai les ours.
Ils furent l'un de mes premiers projets en couture et ils m'apparurent tout de suite différents du reste. Ils me parlaient ! Je decouvris rapidement qu'il existait un monde des ours de collection, et que beaucoup de gens en fabriquaient. C'était parfait pour moi, car je pourrais faire quelque chose que j'aimais, tout en recontrant de nouveaux amis, que je ne serais pas obligée d'abandonner si le travail de mon mari nous obligeait de nouveau à déménager. "
Comme il n'existe pas d'école pour apprendre à faire des ours, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur votre parcours ?
" Je couds depuis mon plus jeune âge. Mon premier projet en couture était un petit ours "moule à gateaux" quand j'avais 4 ans. Je découpais les pièces, brodais le visage, le cousus à la main moi-même et le rembourrais avec des vieux collants. J'étais très fière de ce premier ours et je l'ai gardé de longues années. Malheureusement, il a été perdu lors d'un de nos nombreux déménagements.
J'étais le genre d'enfant qui pense pouvoir tout faire, et je n'y arrivais pas trop mal. La plupart du temps, il s'agissait de couture, mais aussi du tricot et de la broderie. La décoration des gâteaux fut aussi l'un de mes premiers hobbies. A l'université, je faisais moi-même tous mes vêtements (sauf l'uniforme du collège). J'adorais cela, et je faisais tout, même des vestes et des manteaux. Plus tard, j'appris à faire des patrons mes propres designs. J'utilise les connaissances acquises lors de ce cours et mon expérience de la couture quand je conçois mes ours. Une autre avantage est que j'ai des facilités pour les mathématiques (J'ai voulu devenir professeur de maths à une époque). La création des patrons est finalement de la géométrie...ce que je maîtrise plutôt bien.
J'ai fait mon premier ours à partir d'un patron du commerce, mais lorsque j'ai commencé à faire mes propres patrons, les ours sont devenus beaucoup plus proches de moi, de ce que je voulais. Je n'ai jamais vraiment pris de cours de réalisation d'ours. J'ai appris en faisant mes premiers patrons, par les livres, par les "trucs" de mes amis artistes d'ours. J'ai évolué vers mon propre style en mélangeant les techniques, et en expérimentant et pratiquant depuis 13 ans ! On ne cesse jamais d'apprendre. Récemment, j'ai suivi un cours de patronnage de Robin Foley : pour concevoir les animaux, elle utilise différentes méthodes qui mettent en jeu la sculpture, et la création du patron à partir de la sculpture. J'incorporerais ces nouvelles connaissances à ma propre méthode, mon style personnel pourra ainsi encore évoluer. "
Y a-t-il une taille d'ours sur laquelle vous préférez travailler ?
"Je travaille le mieux sur des ours de taille moyenne : 30 à 50 cm."
L'idée d'un nouvel ours vient-elle subitement, ou est-elle le résultat d'un lent processus de murissement ?
" J'ai parfois une idée subite, que je réalise aussitôt. D'autre fois je la garde en tête des mois, voire des années pour travailler dessus. Cela a été ainsi pour mes nouveaux ours "floppy". J'avais vu la photo d'un vrai ours étendu sur un tronc d'arbre, dans une attitude très "relax", il y a quelques années. Je sentais qu'il fallait que je réalise cet ours, mais mis l'idée de coté. J'avais besoin d'un moyen pour lui donner cette pose "relax". Jusqu'à ce que je fasse ces ours "floppy", mes ours étaient rembourrés très serré, très dur, et posaient un peu comme des statues. Au printemps dernier, je devais réaliser une pièce pour une vente au "Clarion". Elle représentait une scène extraite d'un livre, où l'on voyait un personnage en tenant un autre, inconscient. Pour rendre cet effet, J'utilisai un double joint avec goupille, rembourré avec des micro billes pour faire que cet ours "floppe". Cela marchait très bien, et me fit repenser à cet ours sur son tronc d'arbre. Je fis le rapprochement, que le double joint à goupille et le rembourrage en micro-billes marcherait bien pour lui aussi. Le résultat est "Burle", mon premier "floppy" bear, et aussi l'une de mes créations les plus populaires. "
Pour la conception d'un nouvel ours, êtes-vous plus orientée "forme" ou "matière" ?
" Je regarde des photos de vrais ours, et étudie leurs attitudes avec attention. La forme du patron est ma considération première, puis j'essaie de trouver des tissus qui donneront un air naturel. J'utilise souvent des tissus différents, avec le même patron pour obtenir des effets variés. "
Bien que "Blizzard" soit articulé, vos derniers patrons ne le sont pas. Est-ce votre tendance future ?
" J'aime vraiment "Blizzard" et mes autres ours "floppy", mais les deux styles (articulés et non-articulés) ont leur place. Je continuerai à faire les deux. Les ours non-articulés représentent plus un défi, et j'aime les défis. Les deux styles mettent l'accent sur le language du corps (ce que représentent finalement ours). J'aime que les ours paraissent en mouvement, vivants. Les deux styles y parviennent, par des biais différents. "
Lorsqu'on regarde "Mania" et "Meloncholy" sur votre site, on se rend compte que vous vous sentez très impliquée dans le combat contre la dépression ?
" Oh oui. J'ai eu moi-même à en combattre une et j'ai aussi un fils affecté. Le coté le plus pénible de cette maladie (et des autres maladies mentales) est le manque d'information précises dont on dispose. Les maladies mentales ont pour la plupart des causes physiologiques, et sont donc traitables. Si je peux aider, à travers mes ours, à informer le public, j'aurais le sentiment d'avoir accompli quelque chose d'important dans ma vie. "
Faites-vous d'autres animaux que les ours ?
" J'ai déjà fait d'autres animaux, et j'ai l'intention de continuer. Dans l'immédiat j'ai un bison que j'ai réalisé lors du cours de Robin. J'ai aussi réalisé un élan (pièce unique) et plusieurs vaches. Les ours sont vraiment spéciaux cependant, car ils ont des attitudes tellement humaines. "
Avez-vous apprécié d'exposer en France, et aurons-nous le plaisir de vous revoir ?
" Oui - J'ai beaucoup apprécié cette exposition en France (Paris-Création), et j'espère vous revoir lors de la prochaine. C'est un marché encore balbutiant en France, mais très significatif, et actif. J'ai aussi beaucoup aimé visiter Paris, et j'aimerais maintenant découvrir la campagne Française. "
(NDLR : Vous serez la bienvenue ! ;-)
Merci beaucoup (Thank you very much) !
Découvrez les créations de Jackie Morris sur son site www.BlackLickBears.com.
Notes :
- Robin Foley est une artiste d'ours renommée qui donne aussi des cours de création d'ours. Vous pouvez lire son interview ici. retour au texte
- Floppy : Intraduisible en français ! En fait, on comprend beaucoup mieux lorsqu'on tient l'ours en main : Il est très souple, et peut prendre toutes sortes de positions. retour au texte