Un peu d'histoire
Giengen (Allemagne), 1902: Richard Steiff fabrique un ours-jouet en peluche de mohair d'après des croquis qu'il a exécutés au Zoo de Stuttgart. Il est le neveu de Margarete Steiff, poliomyélite et créatrice de jouets en feutre depuis 1877. Le 55 PB est né, et c'est sans doute le premier ours en peluche du monde. Ses articulations sont encore rudimentaires, et il présente toutes les caractéristiques des vrais ours: la bosse dans le dos, les bras longs qui lui permettent de se mettre à quatre pattes ou debout, les grands pieds et les griffes...brodées. Le nez et la bouche sont également brodées et les yeux sont faits de boutons de bottines. Un gros importateur américain, George Borgfeldt and Co, en commande 3000 à la Foire de Leipzig en 1903. C'est le début d'une longue histoire entre Steiff et les ours en peluche. Aujourd'hui encore, la firme produit des ours de qualité et des répliques de ses anciens modèles.
New-York, 1903 : Rose et Morris Michtom s'inspirent d'une caricature de Clifford Berryman pour créer un ours articulé en mohair. Le dessin, publié dans le Washington Star en Novembre 1902, représente le président Théodore Roosevelt refusant de tirer sur un ourson qu'on lui présente après une chasse infructueuse. Si Américains et Allemands se disputent la paternité de l'ours en peluche, son nom anglais, Teddy Bear, est bien une idée de Morris Michtom. Sa compagnie, Ideal Novelty and Toy Company continuera à produire des ours jusqu'en 1984.
Paris, 1921: Marcel Pintel introduit le premier ours en
peluche français dans sa collection de jouets mécaniques
et de jouets bourrés.
Pintel
Encore proches des modèles allemands,
les ours de Pintel s'en distinguent cependant par l'absence de bosse dorsale,
par un nez présentant deux points plus longs de chaque côté,
et par un sourire triste ou sévère. Bien après la
mort de son patron, l'entreprise fabriquera l'ours Colargol, héros
d'une émission de télé pour enfants dans les années
70. Pintel et FADAP, son principal concurrent (dès 1925), sont les
marques françaises les plus connues des collectionneurs d'ours anciens.
Angleterre, 1948: Wendy Boston est une des premières à se préoccuper de la sécurité et invente les yeux de sécurité en plastique, vissés et inarrachables. Wendy Boston crée aussi en 1960 l'ours "Playsafe", en Nylon bourré de mousse synthétique, le premier ours lavable en machine. C'est tout l'esprit des ours en peluche qui change radicalement avec des modèles souples, non articulés, plus ronds et aux membres plus courts.
Allemagne, 1980: Steiff réédite l'ours Richard Steiff de 1905. C'est le début d'un renouveau de l'ours en peluche. Pour les adultes, les fabricants reproduisent leurs modèles anciens et les artistes d'ours réalisent des modèles uniques ou des séries limitées de manière artisanale. Mais, alors que les collectionneurs s'arrachent les ours anciens à des prix parfois impressionnants, les peluches bon marché, produites en Asie, inondent le marché enfantin.
Aujourd'hui: On trouve de tout au royaume des ours: du doudou en coton ou en velours-éponge aux ours quasi-martiens de certains artistes innovateurs, en passant par les répliques d'ours anciens, toujours très prisées, et par les modèles pour enfants, souvent plus rondouillards, des fabricants. Le goût pour l'ancien et l'artisanal, d'abord réservé aux collectionneurs, descend dans la rue, ou plutôt dans les boutiques de jouets, les grands magasins et les hypermarchés, et amène de nouvelles matières et de nouvelles formes dans les collections des grands fabricants. La marque française Nounours a même sorti une petite gamme d'ours de collection en mohair.
Les ours célèbres
Winnie l'Ourson: A.A Milnes s'inspire de l'ours Alpha Farnell de son fils Christopher Robin pour créer les aventures de Winnie the Pooh en 1924. Elles seront illustrées par l'artiste Ernest Shepard. Très rapidement, l'ours sera reproduit en peluche par des fabricants, dont la célèbre compagnie Chad Valley. Walt Disney le popularisera de nouveau en 1966 avec un dessin animé mettant en scène Winnie, Christopher Robin (Jean-Christophe, en français), et toute sa ménagerie de peluches: Porcelet, Coco Lapin, Tigrou... Les histoires de Winnie avec les illustrations originales ont été rééditées par Gallimard. Plus de détails ici.
Nounours : D'abord appelé Gros Ours, Nounours est une marionnette créée par Jean et Colette Roche et par Jacques Raynaud. Il apparaît pour la première fois en 1962 dans l'émission Bonne nuit les petits de Claude Laydu. Nounours est rapidement entouré de quatre neveux, Rémi, Toto, Fanfan et Oscar, né en 1964. La firme O'lis l'a fabriqué pour les Galeries Lafayette. Grâce aux rediffusions récentes de la série télévisée, on le retrouve de nouveau aujourd'hui sous de multiples formes, peluche, figurine en plastique, accompagné de ses amis Nicolas et Pimprenelle et du Marchand de Sable. Toujours aussi populaire, il a même son journal, Le journal de Nounours.Plus de détails ici.
Paddington: Michael Bond écrit "A bear called Paddington" en 1958 d'après l'ours de sa femme acheté deux ans plus tôt. Il continuera la série de livres jusqu'en 1981. Paddington, fraîchement débarqué du Pérou, découvre l'Angleterre, sa valise à la main. Bientôt revêtu de son célèbre duffle-coat et de son chapeau tombant sur les yeux, il sera popularisé par une émission de télé anglaise sur la BBC, puis par un dessin animé. C'est Gabrielle Clarkson qui réalisera la première version en peluche en 1972, ainsi que celle de sa tante Lucy. Depuis 1975, c'est une compagnie américaine, Eden Toys Inc., qui le produit et le commercialise.Plus de détails ici.
Matières et matériaux
Les toutes premières articulations étaient simplement en ficelle, mais elles furent rapidement remplacées par des barres métalliques passant à travers le corps, puis par des disques en bois ou en carton maintenues par des goupilles.
Dans les années 20, on remplace les yeux en bouton de bottine par des yeux en verre, munis d'une pupille noire et d'un iris coloré. Schuco, connu pour ses miniatures, invente le modèle Oui / Non en 1921. Comme son nom l'indique, l'ours peut bouger la tête de droite à gauche et de haut en bas. Parmi les autres innovations, notons aussi des ours contenant une bouteille de parfum ou des ours culbuteurs (mais les ours mécaniques de la fin du XIXème siècle, en vraie fourrure, étaient également capables de grandes prouesses).
A partir de 1930, la paille de bois qui rembourrait les ours est remplacée de plus en plus souvent par le kapok, une matière végétale beaucoup plus souple. Les ours prennent bien vite des couleurs. Bleu, rouge, vert, mauve, par exemple, complètent la gamme des beiges, dorés, marrons, noirs et blancs plus traditionnels. Le mohair se teint facilement et se trouve même en bicolore, les pointes des poils étant d'une teinte différente du fond. On commence à voir des ours en rayonne, peluche de soie artificielle aux reflets brillants.
Les années de guerre voient l'utilisation des matériaux les plus divers en raison des restrictions: laine de mouton, couverture de laine, bourre de coton, par exemple. Il faut attendre les années 50 / 60 pour que des innovations importantes apparaissent. Ce sont les premières peluches synthétiques (à commencer par le Nylon), d'abord tissées puis tricotées, les yeux en plastique et le rembourrage en latex moulé ou en mousse synthétique, qui font de l'ours un jouet lavable et hygiénique.
Avec l'apparition des mesures de sécurité imposées à partir des années 70, les fabricants doivent utiliser des yeux de sécurité (vissés ou munis d'une rondelle métallique au dos), remplacer la bourre en copeaux synthétiques, trop inflammable, par de la ouate polyester, et tester tous les produits utilisés dans des laboratoires spécialisés.